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Haies-tu là ?

dimanche 11 mai 2008

La gestion des haies, des trognes et autres têtards est le cheminement d’une longue évolution, d’empirisme et de calculs. L’agriculture moderne (et scientiste ?) a fait terre rase de tout celà au lieu d’impulser une nouvelle évolution par une meilleur compréhension. La technologie a ignoré la tradition au lieu de la dépasser ou de la surpasser.


C’est l’agonie d’un système qui le fait redécouvrir, même si les haies disparaissent toujours plus rapidement qu’elles ne se replantent [1]. Il est possible que la replantation dépasse l’arrachage prochainement, mais une longue mémoire de l’humanité aura disparu définitivement. En effet, les haies sont parfois l’héritage de milliers d’années d’activité humaine, de structuration et de gestion d’un territoire, un cadastre vivant offert aux archéologues et aux agronomes.

L’agroforesterie [2] est un exemple de la difficulté à accepter l’idée d’agriculture différente. Vous devez cultiver du blé — par exemple — de telle ou telle manière autorisée. C’est aux autorités — ici, européennes — de réglementer celà. Le pratiquant, comme le consommateur, doit se conformer à la règle. Le problème, c’est que les règles sont souvent des dogmes ; même les règles basées sur des données scientifiques ne sont basées que sur les connaissances partielles du moment.

Quant aux données politiques et économiques, elles regardent plus le pouvoir sur les humains que la raison.

Les haies et la mécanisation n’ont pas su évoluer conjointement. La (bio)diversité locale en a pâti ; celle des sols, comme celle des plantes et animaux visibles... nommables. Ce visible n’étant qu’une petite partie de la vie qui nous entoure, on peut comprendre les dégâts encourus. Ainsi, les hôpitaux ont grandement aseptisés leurs locaux. Celà c’est traduit par de gros progrès d’hygiène et de santé mais a aussi favorisé des épidémies nocosoniales de plus en plus difficiles à combattre. L’agriculture a la même vanité de tout contrôler à coup de molécules dûment testées et validées et ne fait que préparer des guerres contre les déséquilibres qui se succèdent les uns les autres.

L’agriculteur, le paysan, savait contre quoi se battre, tricher et équilibrer. Son monde était fini, connu, même si cette connaissance pouvait encore et toujours se préciser, s’améliorer. Il va maintenant vers l’inconnu, otage des molécules à venir dont il n’est plus le fournisseur, ni lui, ni les coopératives qu’il croit contrôler et dont il n’est plus, parfois, que le serviteur. L’agriculture biologique peut faire les mêmes erreurs, attention.

On a préféré la biologie de la plante ou de la viande à la biologie de son milieu et de son sol. On a préféré la partie à l’ensemble, le laboratoire à la vie. Il faut ensuite gérer la culture et la rendre conforme aux conditions de laboratoire ou de champ d’essai. Pour caricaturer : un sol stérile — simple? support de culture —, les intrants nécessaires et l’élimination de toute intrusion biologique non programmée.

Alors que l’on promeut maintenant des corridors biologiques, on a créé des déserts biologiques peuplés artificiellement de plantes alimentaires sous perfusion.

Claude Delattre

Penser à article? sur le têtard dans la haie.

Notes

[1Solagro a publié une synthèse sur la période 1960-2000 : http://www.solagro.org/site/im_user... et http://www.inra.fr/dpenv/pointc46.htm.

[2Voir une étude de 1999 (il y a eut un début de reconnaissance depuis) : http://www.montpellier.inra.fr/safe....